6 décembre 2008 Début de l’aventure
Depuis la fermeture du centre de Sangatte en novembre 2002, des réfugiés dorment le long du canal Saint-Martin et autour du Square Villemin tout proche de la gare de l’Est dans le Xe arrondissement de Paris. Majoritairement afghans, ils ne restent que quelques jours et poursuivent leur route vers le Nord de l’Europe. Seuls 201 Afghans demandent l’asile en France en 2007.
En 2008, beaucoup d’entre eux décident de rester à Paris. Les actions d’information organisées par le collectif exilés X auprès de ces nouveaux arrivants ne suffisent plus. Chantal, Fariba et Marysia décident de proposer des cours de français. Leurs discussions préparatoires aboutissent au premier atelier dans les salles prêtées par la paroisse Saint-Laurent, 15, rue Philippe de Girard, le samedi 6 décembre.
2009 On s’échauffe
L’équipe s’étoffe avec Joëlle, Laurien, Louise, Lucienne, Geneviève, Denis et Christian. Trois séances sont proposées : mercredi après-midi, samedi matin et après-midi. Alors inoccupés, les étages et la cour des locaux attenants à la chapelle sont investis par des réfugiés qui ont appris l’existence de ces cours de français et souhaitent mieux communiquer avec les Parisiens et les autorités.
Une première fête rassemble participants et bénévoles à l’occasion de Norouz (le nouvel an persan).
L’enthousiasme est tel que décision est prise d’assurer des séances tout l’été. Les bénévoles ont oublié un détail : le jeûne de ramadan débute le samedi 22 août. Conséquence : quelques séances consacrées à l’attente et à mieux se connaitre, entre eux. Dès la fin septembre, au contraire, revient l’affluence. L’idée de structurer un peu l’organisation commence à se faire jour. Premières listes de présents remplies par les participants eux-mêmes. Un mercredi après-midi à plus de 50 personnes, 18 d’entre elles dans une petite salle de quelques mètres carrés. Pas besoin de chauffage la plupart du temps !
2010 Une association est née
Au tout début de l’année, le Père Christory, curé de la paroisse Saint-Laurent, annonce deux nouvelles : une mauvaise, les salles des étages et de la cour ne vont plus être disponibles, et une bonne, la salle principale du rez-de-chaussée sera accessible tous les jours sauf dimanche à la convenance de l’équipe.
L’hiver est rude, 3° de moins que la moyenne en janvier, plusieurs jours où le thermomètre ne dépasse pas 0°. Le quartier se mobilise pour les réfugiés du canal. Le Comptoir général, quai de Jemmapes, ouvre ses portes pour les héberger pendant une semaine. Un local géré par Emmaüs prend la suite au carré Saint-Lazare.
Des bénévoles rejoignent l’équipe qui atteint 21 personnes au 1er février. En disponibilité de l’université et aidé par Leïla, Christian utilise ses compétences de responsable de formation pour concocter un planning avec 4 groupes de niveau, 6 jours par semaine et des séances d’une heure trente. Le succès public est au rendez-vous dès le premier jour. Seul bémol : on n’est pas à l’université ! La complexité du planning déroute, certains groupes changeant d’horaires, d’intervenants et de salles tous les jours. Mehdi, l’un des participants, prononce sa première phrase complète et correcte en français : « c’est le bordel ». Dès le 15 février, le tir est corrigé et les principes du planning, encore en vigueur aujourd’hui, sont établis : un intervenant anime un atelier deux jours de suite si possible, les horaires et les lieux sont réguliers, le tout 9 heures par semaine. Grâce à 26 bénévoles, ce sont 7 groupes (10 en septembre) qui fonctionnent mi-février dans trois lieux différents : outre la paroisse, la maison des associations et les locaux de l’association Afrane.
Le 3 mars, l’association est créée. Quel nom lui donner ? Sur la base d’une proposition de Christian propice à la mélancolie, Français langue d’exil, Geneviève envisage de changer exil par accueil. Immédiatement approuvé par mail. Les statuts sont déposés le 5 mars. Marysia préside, Christian trésore.
L’entretien du corps n’est pas oublié : un froid dimanche de juin, premier tournoi de football organisé avec les Restos du cœur.
Un weekend de réflexion fin août permet aux bénévoles de mieux définir ce qu’est Français langue d’accueil et d’établir le règlement intérieur des ateliers encore en vigueur.
Deux nouveaux partenaires, le Pari’s des faubourgs et le CRL 10 Château-Landon, facilitent l’accueil de nombreux participants : 334 personnes sont inscrites entre septembre et décembre 2010.
Les étudiants de l’école AgroParisTech commencent à assurer des groupes de conversation. Les liens avec JRS permettent à quelques demandeurs d’asile sans hébergement de trouver une place en famille d’accueil. Les habitants du Xe arrondissement, avec le soutien de la mairie, participent au mouvement de solidarité. Ainsi les conseils de quartier se cotisent pour acheter des chaises et des tables alors que la Cantine Afghane reverse ses bénéfices à F.L.A.
2011 Crise de croissance et approfondissement des fondations
475 personnes se sont inscrites sur l’année « scolaire » 2010-2011. Pour faire face à la croissance des effectifs, le nombre de salles partenaires augmente. Au noyau originel s’ajoutent les antennes jeunes Flandre et 9e, l’AJAM, la maison de MAI et la maison des jeunes Saint-Vincent. La mobilisation autour de l’accueil des réfugiés concerne toujours plus d’acteurs du Xe et des arrondissements limitrophes.
L’évaluation des résultats de l’activité qui avait commencé dès juin 2010 se traduit par la présentation de participants au Dilf en juillet.
Cependant, des divergences sur les modalités d’inscription pour faire face à cette croissance aboutissent au départ de plusieurs bénévoles. A la rentrée sont mis en place des groupes sas pour les nouveaux arrivants dont les origines se diversifient (Népalais, Bhoutanais, Arméniens).
Accompagnées par Geneviève, 13 personnes ayant obtenu le statut de réfugié dans leurs démarches d’insertion professionnelle trouvent un emploi.
Les activités socioculturelles se développent aussi. Le Louvre, le château de Versailles et le musée Guimet accueillent leurs premiers groupes F.L.A., qui fréquentent aussi les théâtres (Cartoucherie de Vincennes, 104, Chaillot, etc.). F.L.A. est à l’initiative de l’événement « Un Mois de l’Afghanistan » dans le Xe arrondissement organisé avec nos partenaires (soirée musicale, exposition, etc.).
2012 Le coucou trouve un nid
Les modalités d’inscription entraînent encore une forte croissance du nombre d’inscrits (583 entretiens réalisés et 542 personnes venant chercher leur affectation en 2011-2012 alors que 170 personnes en moyenne participent aux ateliers une semaine donnée). Il devient nécessaire d’avoir un local en propre pour gérer l’association et accueillir la première salariée à temps partiel, Evelyne, qui débute le 20 septembre. Le 1er octobre, F.L.A. emménage au 54/56 bd de la Villette.
L’accent est mis sur la pédagogie en suivant le cadre européen de référence des langues qui s’est imposé au cours de l’année 2011.
2013 Des hauts et des bas
Le décès de Geneviève met un coup d’arrêt provisoire aux activités d’insertion professionnelle. Une triste manifestation de la fragilité d’une organisation reposant presque entièrement sur les bénévoles.
A l’opposé, l’arrivée en février de Julia, première volontaire du Service civique, permet de développer les activités socioculturelles.
Le site web prend une forme plus professionnelle grâce à Christophe. Une équipe de participants et de bénévoles développe un guide à usage pédagogique Paris par ici.
Après le pic de 2011-2012, l’activité des ateliers de français se stabilise à environ 450 participants dans l’année. Niveau qui restera le même pendant trois ans.
2014 L’insertion professionnelle, une priorité
Changement de coordination avec le départ d’Evelyne. Jawad, ancien participant des ateliers, reprend le poste en adaptant la mission.
Le nombre de groupes, 14 ou 15 suivant les périodes, augmente avec l’ouverture de deux ateliers le soir.
Alors que le nombre de bénévoles oscillait entre 30 et 40 depuis fin 2010, il dépasse ce chiffre à la fin de l’année 2014.
L’assemblée générale de mars prend la décision de relancer les activités d’insertion professionnelle, ceci devant se traduire par l’embauche d’un chargé d’insertion et la création d’ateliers compétences clés (informatique, mathématiques, etc.).
Les premiers effets de ce qui sera appelé « la vague migratoire » se font sentir pour la première fois lors des inscriptions de décembre 2014.
2015 Les réfugiés à la Une
Les participants se mobilisent aussi pendant les manifestations suite aux attentats : le drapeau afghan porté par des anciens flotte sur la statue de la République le 11 janvier.
17 mars : une belle journée de printemps attend l’équipe qui assure les dernières inscriptions de l’année 2014-2015. A 7h45, surprise des premiers arrivés quand ils voient environ 200 personnes devant le local du boulevard de la Villette. La police intervient mais il n’y a pas de désaccord sur le nombre de manifestants, environ 300.
Christophe est embauché le 1er mai pour coordonner et développer les activités d’insertion professionnelle dont il s’occupait déjà bénévolement depuis la fin 2014. La forte croissance des arrivées de réfugiés en Europe entraîne le doublement du nombre de bénévoles de F.L.A. : 86 au 31 décembre contre 44 fin 2014.
Le développement des activités et la professionnalisation de la coordination rendent nécessaire de chercher un nouveau local, dont le bail est signé en décembre.
2016 De vrais bureaux, une première !
6 janvier : pendaison de crémaillère au 28, rue de l’Aqueduc. Il n’aura fallu que 8 semaines entre la première visite du local et l’entrée dans les lieux après une première rénovation. Grâce à Régine, bénévole du Pari’s des faubourgs, un ensemble de meubles de bureau est récupéré, ce qui permet de travailler pour la première fois dans un cadre professionnel. Reza se tord le nombril[i] pendant ce déménagement. Chanelle se mue en contremaître pour repeindre les locaux pendant les vacances de Noël. Esmat, lui, refait l’aménagement du sous-sol.
Les nouvelles conditions de travail et une amélioration de la situation financière de l’association permettent d’augmenter le nombre de permanents qui passe à cinq personnes (3 salariés et 2 volontaires du Service Civique).
Le nombre de participants recommence à augmenter, 486 sur l’année 2015-2016 et 183 en moyenne une semaine donnée.
Le mouvement de solidarité avec les réfugiés, qui se développe en particulier parmi les jeunes professionnels et dans les milieux universitaires, se traduit par une nouvelle croissance du nombre de bénévoles.
2017 Libres ateliers de F.L.A.
Trouver un moyen d’accueillir le plus rapidement possible ceux qui s’adressent à F.L.A. a, depuis les débuts, été l’objectif prioritaire. Or, les délais s’allongeaient inexorablement se rapprochant de ceux de l’OFPRA, d’où l’idée des ateliers libres. Quatre fois par semaine, les mardis et mercredis matin et après-midi, 25 à 30 personnes peuvent venir participer à un atelier de français, sans formalité autre que d’être devant la porte du bureau au bon moment.
Le 17 janvier, une équipe de bénévoles coordonnée par Claude accueille les premiers participants. Le succès est au rendez-vous. Trop ! Quand, à l’automne, le temps d’attente pour entrer dépasse 3 heures à chaque séance, la décision d’arrêter ce système est prise.
En raison des ateliers libres, le cap des 1000 personnes accueillies en une année est franchi.
Outre les stages spécifiques organisés depuis 2011, l’accent est mis sur la formation des bénévoles en co-animation et un approfondissement de la réflexion pédagogique.
2018 Penser à la transmission
Bientôt 10 ans d’activité, Marysia songe à prendre un peu de distance et abandonne la présidence qui devient une coprésidence. Christian, nouveau coprésident avec Marie-Hélène, annonce qu’il fera de même au début 2019.
Pour mieux répondre aux nouveaux défis l’équipe de permanents s’étoffe et se professionnalise : 8 personnes à la fin de l’année. Le nombre de bénévoles croît aussi : plus de 180 aujourd’hui.
Nous n’oublions pas toutes celles et tous ceux qui ont participé à l’aventure et ne sont pas nommés dans ce résumé même si leur contribution est essentielle (plus de 300 personnes), juste pour débuter la liste, celles et ceux qui y sont arrivés tôt :
Andrée, Annie, Armelle, Bernard, Christine, Denise, Dominique, Florence, François, Françoise, Geneviève, Jacqueline, Jean, Jean-Christophe, Judith, Louise, Lucile, Marie-France, Mehdi, Michelle, Nadine, Nilou, Oriane, Régina, Noëlle, Rasha, Sabrina, Stéphanie…
Pour finir la liste, celles et ceux qui la coordonnent aujourd’hui : Adrien, Christian, Christophe, Claudia, Gilles, Julie, Marie-Christine, Marie-Hélène, Martine, Olga, Omid, Pascale, Yasmine.
A la fin de ce résumé d’une belle aventure toujours en cours, nous n’oublions pas ceux parmi les participants qui n’ont pas supporté les conditions de leur exil et ont perdu pied, et parfois la vie.
Durant cette décennie d’activité, Français langue d’accueil a accueilli des participants représentant presque 60 nationalités :
Afghane Albanaise Algérienne Angolaise Arménienne Azerbaïdjanaise Bangladaise Bhoutanaise Birmane Brésilienne Britannique Chinoise Congolaise Egyptienne Erythréenne Etatsunienne Ethiopienne Gambienne Géorgienne Ghanéenne Guinéenne Indienne Ingouche Irakienne Iranienne Ivoirienne Kazakhe Kényane Laotienne Libyenne Macédonienne Malienne Mauritanienne Mexicaine Mongole Népalaise Nigériane Nord-coréenne Ouïgour Ouzbèque Pakistanaise Polonaise Russe Sénégalaise Sierra-léonaise Somalienne Soudanaise Sri-lankaise Syrienne Tadjike Tanzanienne Tchadienne Tchétchène Tibétaine Tunisienne Turque Ukrainienne Vénézuélienne Vietnamienne Zimbabwéenne